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Le Manoir ou les aventures des Conte.
Je descends le sentier en traînant des pieds, esquivant les pierres jonchant le sol. La rosée du matin laissa des traces marquées de son passage, comme sous formes de fines goutelletes tombant des feuilles de pommiers, les pierres glissantes inévitables et surtout l'air inespirrable remplit d'oxyde de carbone rejeté par les arbres.

Je soupire lorsque je manque de tomber face la première sur un rocher. Ma sœur, Alie, se moque avant de tendre sa main dodue aux doigts fins et élégants, pour m'aider à me relever.

— On devrait se reposer, me propose ma cadette.

La petite brune menue qu'est ma sœur, est plus jeune de seulement deux noëls. Elle est au collège depuis quelques semaines et elle se prend déjà pour une grande aventurière. À peine plus grande que deux pommes, elle est assez maligne pour son âge. Nous sommes très proches, normale me direz-vous car nous ne sommes que deux à nos parents.

Moi c'est Romain, le seul et unique Romain Conte. J'ai juste quatorze ans, et fais quatrième au seul collège du village.

Notre patelin est assez reculé et se nomme Saint-Jemas, drôle de nom me direz-vous, mais les villageois en sont fiers ! Je ne sais pas trop l'histoire qui se cache derrière cette dénomination, pourtant je le vois à tous les coins de rue et même dans la cuisine de tante Suzanne, celle qui nous élève, ma sœur et moi, depuis le décès de nos parents.

Nous avons décidé d'aller nous promener en grimpant un peu la montagne qui n'est pas loin de notre ferme, Tante Suzanne était d'accord, sinon nous n'aurions pas réussi à arriver jusqu'ici. Elle est cool, mais parfois très stricte sans nous faisons des milliards de bêtises.

Ce sont les vacances d'été. Nos copains sont allés en famille, très loin d'ici, alors que nous n'avons personne d'autre que notre tante. Oh, Zut ! J'oublie toujours cousin Arnaud, le cousin de Papa qui vit en Afrique Australe, on ne le voit jamais de toutes façons et il a refusé de nous accueillir au décès de notre père, car il a dit qu'il n'est pas prêt à élever des gosses, surtout des mioches d'un autre.

Le pompon ! Pourtant Papa disait toujours que son Cousin Arnaud est top ! Eh ben, c'est un flop.

Je cherche notre casse-croûte dans ma bandoulière.

— Tu as apporté du fromage ? j'ai oublié la confiture de groseilles, boudé-je.

— Heureusement que je rattrape tes bêtises, Rome, soupire Alie.

Je rigole et lui tend les tartines et le couteau. Elle sait que j'aime quand les miennes sont très lourdes, j'adore le fromage de chèvre. Nous mangeons en discutant des nouvelles, rien de spécial n'arrive ici, mais c'est toujours amusant de ricaner des petits potins qui circulent, comme quand tout le monde disait que le facteur s'enfilait Madame Hachette, la libraire, ou quand Henri le boucher est tomber malade à cause de la viande avariée qu'il vend à tout le monde. La majorité ne sont que des ragots, néanmoins ils font bien rire quand on les entend.

— Tu as appris la nouvelle ? Madame de Souche dit que dans quelques jours nous aurons des nouveaux voisins, me dit-elle.

— Noubeaux boibins ?

Je parle la bouche pleine avant d'avaler parce qu'Alie fait la grimace. J'essuie ma bouche du revers de la main, ma sœur rouspète et me passe un mouchoir de table, elle pense à tout.

— Tu disais des nouveaux voisins ?

— Oui, au Manoir à la sortie du village. Il paraît que c'est une riche famille parisienne qui veut un lieu tranquille pour se reposer.

— À tous les coups ce ne sont que des rumeurs.

— Je sais, mais imagine, ce serait bien d'avoir de nouvelles personnes, au lieu de croiser les mêmes rengaines.

Elle n'a pas tord. Nous n'avons pas trop de jeunes ici, ce sont surtout les gens de la génération de tante Suzanne que nous côtoyons. Nos amis Julien et Gabriel sont de notre âge, bien que je sois plus âgé qu'eux, je ne m'entends pas bien avec mes camarades du collège.

Je me demande si c'est vrai, ils seront comment les voisins ?

Ce sont des gens fortunés, ils pourraient être snobs.

Je ne sais pas.

Je propose que nous continuons notre périple et que nous redescendons avant la tombée de la nuit, tata est un dragon quand on est en retard au souper.

La nuit est tombée, nous sommes propres comme des sous neufs.

— Voilà ! Vous ressemblez enfin à de vrais Conte !

Tata Suzanne nous félicite. De son mètre quatre vingt, elle est la plus grande femme de toute la province ! Elle est grande et blonde, comme l'était Maman. Ses jolis yeux noisettes brillent chaque fois qu'elle nous voit et elle sent le bon pain qui sort du four, pourtant elle passe beaucoup son temps avec les chèvres dans la prairie. Elle a un franc parlé qui choque au début, je la trouvais très grossière. Je me suis habitué à ses manières et j'ai compris que c'était juste sa nature. Elle aime pas les vêtements des filles, elle ne porte que des chemises à carreaux, des salopettes Jean et des bottes. c'est un look relax, qu'elle dit.

C'est la petite sœur de Maman.

— V'nez manger mes mioches !

Nous avons de la soupe de carotte, j'aime pas trop, ce qui me motive c'est le dessert : La mousse au chocolat.

Je me délecte de la saveur des noix qu'elle a concassé dans la mousse, c'est hyper bon. Alie en demande plus, tata rit.

— Alors l'venture dans la montagne vous a creusé !? éclate-t-elle de rire.

Elle rit comme un animal que l'on égorge à l'abattoir. Alie et moi rions en l'écoutant.

— Avec v'ote mère, on barbotait dans l'étang derrière la maison du vieux Léo, le paternel il gueulait quand il nous voyait arriver.

— Pourquoi ? demandé-je.

— Nous nagions habillées !

Elle rit plus fort et nous aussi. Nous n'avons pas connu nos grands parents et elle nous raconte de nouvelles choses sur eux tous les soirs, elle est très gentille notre tata.



À suivre.



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