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Babel chapitre 1: Stacy Grimmsworth
Il faisait nuit. Au sommet de la tour, entourée de nuages, Stacy Grimmsworth contemplait silencieusement la voûte céleste constellée de petits points brillants. Enfant, sa mère lui expliquait que le ciel nocturne racontait une histoire. Que chaque point, appelé "étoile", illustrait ces récits mythique, où les héros des temps anciens affrontaient des entités toutes plus maléfiques les unes que les autres. Et, au centre de tout cela, la Lune. Tous disaient qu'elle était née à l'aube des temps, et qu'elle surveillait silencieusement les événements qui se déroulaient sur Terre. Qu'elle était le gardien muet des secrets qui se murmuraient ici-bas. On racontait même parfois que c'est l'astre céleste lui-même qui, outré par l'insolence et la cruauté de l'humanité, a provoqué le Cataclysme.

Mais ce n'étaient que des histoires de grand-mère que l'on contait aux enfants, tard le soir, devant la cheminée. Ainsi, les plus jeunes, captivés par ce genre de récits, restaient effrayés, tandis que les plus âgés commençaient à devenir sceptique. Quand à Stacy, elle n'était pas restée dupe bien longtemps. Son père, et surtout l'Eglise, lui avaient donné une autre version de l'Histoire. La vraie version. Beaucoup plus réaliste, beaucoup plus sombre. Beaucoup plus cruelle. Pour un peu, elle aurait préféré continuer à croire au conte de la Lune maléfique.

Tandis que la jeune fille restait devant sa contemplation, le vent se leva doucement, la faisant légèrement frissonner. Elle se mit en mouvement, se rapprochant lentement du bord, puis s'arrêta net. Elle baissa ensuite petit à petit le regard, jusqu'à fixer l'horizon nocturne. Elle n'osa cependant pas regarder en direction du sol, chose qui lui avait été interdite.

Mais, après tout, elle était seule ce soir. Son père et les autres administrateurs n'étaient pas là pour restreindre ses mouvements de par leurs innombrables règles. Quand aux modérateurs, ils n'avaient tout simplement pas le droit de venir au sommet de la tour, sur le toit du monde. Elle était seule. Alors, elle baissa à nouveaux les yeux.

Malheureusement, elle ne pouvait distinguer le sol, masqué par les nuages et la brume. Avec une certaine mélancolie, elle se demanda ce qu'il y avait sur la terre ferme. Seuls les roturiers avaient le droit d'y aller, à bord des convois. Ils se devaient de circuler entre la tour et les mines, pour récolter charbon, eau et pétrole, essentiels à la vie. C'était une opération dangereuse, car on disait que ces immenses plaines de glace étaient devenues hostiles au fil des siècles. C'est pourquoi Stacy les admirait en secret, les enviait presque. Cela ne plairait sûrement pas à son père, qui insistait pour qu'elle n'ait aucun lien avec les gens du peuple.

Soudain, elle sentit le sol trembler sous ses pieds. Elle regarda autour d'elle, apeurée. Sous ses pieds, la tour se décomposait, brique par brique, sous le regard grave de...